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> > > Symposium Biodiversité Aquatique au-delà des normes MRE 2019

Symposium La Biodiversité Aquatique au-delà des normes

Tendance, excès et instabilité climatiques imposent à la biodiversité aquatique des contraintes désormais perceptibles dans des bilans biologiques à toutes échelles. Dans nos cours d'eau régionaux, des Alpes à la Méditerranée, des peuplements se modifient par suite d'évolution d'aires de répartition, d'apparition et de disparition d'espèce ; certains peuplements paraissent plus stables ou reliques. Mais quelles réalités biologiques se cachent derrière nos perceptions et par quelles cascades d'effets, ces changements se produisent-ils ?

Au travers de ses connaissances et de son faire-savoir, la Maison Régionale de l'Eau a proposé en Octobre 2019 un moment collectif d'échanges pour répondre aux nombreuses questions qui peuvent se poser sur ces thématiques, livrer ses réflexions "au-delà des normes" et avancer quelques solutions de "stratégie adaptative" pour une meilleure analyse et une compréhension partagée des phénomènes en cours dans nos cours d'eau.

Discours introductif/Rémi CHAPPAZ, Président du Conseil Scientifique de la Maison Régionale de l'Eau

Plus de 25 ans de contribution de la Maison Régionale de l'Eau à la connaissance des milieux et biodiversités aquatiques/Christophe GARRONE, Responsable du pôle Etudes de la Maison Régionale de l'Eau

La MRE possède plus de 560 références concernant à 97% la région Provence Alpes Côte d'Azur. Malgré tout, elle constate qu'il y a encore de réelles lacunes dans la connaissance même de la biodiversité aquatique (hormis pour les espèces piscicoles), des rôles des différentes espèces, de leurs statuts (ce qui est problématique notamment sur la partie des cours d'eau apiscicoles puisque du coup il n'y a aucune investigation de menée), de leurs repérages biotypologiques, voire même de la bancarisation des données existantes (les données collectées par la MRE ne remontent pas pour l'instant dans SILENE PACA car même si celle-ci le souhaite elle n'en a pas le temps ni les moyens). Pour autant, la MRE souhaite participer pleinement à l'amélioration de cette connaissance. C'est pour cela notamment qu'elle a développé Aquapedia en 2014. Ce projet a permis, à l'échelle d'un bassin versant (l'Argens) de contribuer à une meilleure connaissance de la biodiversité aquatique (macro-invertébrés) actuelle et de suivre les évolutions connues depuis 1978. Ainsi, entre 1978 et 2014 on se retrouve à l'échelle de ce bassin avec une perte d'une vingtaine d'espèces et l'apparition de 36 nouvelles de type invasives, notamment sur le bas Argens. Une vulgarisation par cartographie et journées d'échanges a ensuite été faite par la MRE. Elle a également participé à l'étude ECOBAM de suivi du Barbeau Méridional portée, en 2018, par l'Université d'Aix-Marseille, en lien aussi avec les Fédérations départementales de Pêche et de Protection des Milieux Aquatiques et dont les résultats sont à venir. Pendant ce projet, 52 stations ont été prospectées en 3 mois et près de 1 000 Barbeaux Méridionaux capturés. Elle a également participé à la structuration de la base de données macro-invertébrés benthiques mise en place par le Parc National du Mercantour qui collecte plus de 8 000 données et comptabilise plus de 57 espèces remarquables. En 2019, elle a poursuivi son partenariat avec le Parc National du Mercantour et le Conseil Départemental des Hautes Alpes. Elle a également participé aux études sur les mortalités piscicoles constatées notamment sur le Guil. Et elle a répondu à l'Appel à Projets Eau et Biodiversité de l'Agence de l'Eau RMC afin de proposer une caractérisation des adoux par rapport à la biodiversité aquatique. En 2020, elle devrait porter un projet sur l'Estéron avec le Parc pour l'élaboration d'un état des lieux initial qui devrait se faire sur les 3 années à venir. D'autres projets restent en recherche de financements : mieux définir une zone refuge, compléter les mesures de suivi actuels par un réseau de rivières ou de stations sentinelles, bancariser les données.

Table ronde : Comment poser les fondamentaux d'une connaissance sur la biodiversité aquatique ?/Rémi CHAPPAZ, Bernard DUMONT et Georges OLIVARI du Conseil Scientifique de la Maison Régionale de l'Eau

Si la biodiversité aquatique est souvent utilisée pour qualifier l'état des milieux, paradoxalement le niveau de connaissances des espèces qui la compose, en particulier les invertébrés, reste particulièrement peu développé. Dès que l'on pousse un peu plus loin les études, on y découvre une diversité biologique exceptionnelle, présentant de nombreuses caractéristiques tant descriptives que fonctionnelles. Sa connaissance permet une meilleure perception des phénomènes complexes qui régissent les milieux aquatiques. Comment, par exemple en un secteur donné de cours d'eau, relier bilans en diversité biologique et variabilité environnementale afin de bâtir du "consensus interprétatif"? Quelles échelles considérer, de l'année au rythme journalier, selon les objectifs ? Un retour aux fondamentaux du cadre de variabilité hydroclimatique du lieu considéré, le caractère du secteur, s'impose comme base utile à la connaissance partagée.

Les chroniques de débit et de température sont essentielles car elles participent à une meilleure appréhension des fonctionnalités du milieu. Pourtant, à l'heure actuelle, il y a encore d'importantes lacunes en terme de connaissance de l'évolution de la température de nos cours d'eau régionaux.

Il devient de plus en plus urgent de mettre en place des mesures de température de l'eau couplées à des mesures de débit un peu partout dans nos cours d'eau régionaux afin d'arriver à caractériser des espaces fonctionnels, notamment en faisan des hypothèses sur ce qu'il s'est passé et en regardant comment évoluent les tendances. Aujourd'hui, on manque cruellement de recul sur ces problématiques. On a besoin de mettre en place des chroniques de données sur le long terme. On sait que le gradient de température est essentiel pour les poissons car en fonction de la température les poissons vont manger plus ou moins souvent dans la journée par exemple, ce qui va influencer leur croissance. Le problème aujourd'hui c'est qu'on est plus sur de l'étude de biologie contemplative que sur de l'étude fonctionnelle. Selon eux, c'est notamment le cas des indicateurs DCE compatibles. Au niveau des macro-invertébrés, il y aurait par exemple nécessité de travailler sur des classes de tailles comme pour les poissons. Pour autant les moyens ne sont pas mis pour l'instant pour pouvoir le faire. La question de la fiabilité des données, de la qualité des données peut aussi se poser et se pose de plus en plus parce qu'on a de moins en moins de gens spécialistes qui travaillent sur ces thématiques. Ce qui engendre une certaine inquiétude. L'étude de la présence ou de l'absence d'une espèce n'est pas suffisante parce qu'on a besoin d'étudier des dynamiques de populations, notamment en étudiant les classes de tailles. Pour ne prendre l'exemple que de l'Ecrevisse à pattes blanches, espèce endémique et protégée en Provence Alpes Côte d'Azur, on a besoin d'inventaires précis sur l'évolution de ses populations car contrairement à ce que l'on peut croire, les habitats principaux de l'Ecrevisse à pattes blanches se trouvent sur nos grands fleuves et non pas sur nos petits fleuves côtiers. Pour autant, elles ont déjà migré sur des petits fleuves côtiers parce qu'elles y ont trouvé des zones de refuge !

Table ronde : Détecter les réponses au stress chez les poissons d'eau douce : du moléculaire à l'écologie/André GILLES, Nicolas PECH, Emmanuel GUIVIER, Rémi CHAPPAZ, Université Aix-Marseille, IRSTEA,RECOVER

Les activités humaines entraînent des changements majeurs sur les écosystèmes aquatiques, notamment en modifiant l'habitat naturel. Bien que des efforts importants aient été déployés pour restaurer les écosystèmes aquatiques naturels, les dommages insidieux causés par des années de pollution (pesticides, engrais, molécules médicales, par exemple) associés au réchauffement climatique actuel exacerbent les impacts sur la biodiversité. Comment des outils moléculaires, en utilisant une espèce sentinelle, permettent de détecter des stress biologiques et d'inférer les facteurs de perturbations environnementales dans un bassin hydrographique d'eau douce ?

Pour répondre à ces questions, il faut déjà bien définir ce qu'est un stress environnemental. Le stress environnemental est une baisse des performances ou aptitudes des individus causée par des facteurs de stress qui peuvent être biotiques ou abiotiques (ex. débit et température de l'eau).

Il y a une étude qui fait référence sur le sujet, il s'agit de Deepwater horizon.

Tout organisme répond à un stress environnemental moléculairement. Ainsi, les poissons d'eau douce vont par exemple répondre à une hypoxie du milieu ou à une différence de température et ces réponses des organismes vont avoir des conséquences sur l'expression des gènes des individus en question.

On peut aussi se demander qu'est-ce-qu'une espèce "sentinelle". On considère qu'une espèce est "sentinelle" pour ce genre d'études si elle répond aux critères suivants, à savoir :

- sédentaire ;

- facilement identifiable par capture ;

- taille suffisante d'une population ;

- aire de dispersion large ;

- longévité.

Des études ont ainsi été faites par exemple sur le Chevesne, espèce considérée comme polluo-résistante et à préoccupation mineure, sur la Durance, l'Ardèche et l'Ain (milieu de référence) avec une comparaison avec Hotu et Toxostome. Des études génétiques couplées à du terrain ont ainsi permis de trouver les facteurs de stress. Il faut savoir qu'une étude génétique ne coûte pas très cher puisqu'on est sur un coût d'environ 6000 euros pour plus de 2,5 millions de séquences d'ADN traitées.

Table ronde : Microbiome : une étendue nouvelle de la biodiversité des espèces/Emmanuel GUIVIER, Nicolas PECH, Rémi CHAPPAZ et André GILLES, Université Aix-Marseille, IRSTEA et RECOVER

Les connaissances nouvelles du microbiome ouvrent un peu plus notre regard sur l'étendue extraordinaire de la diversité du vivant. Cette biodiversité microbienne, bien qu'encore méconnue, constitue une composante essentielle des capacités de réponses rapides des organismes aux perturbations de leur environnement. Ainsi, la caractérisation, taxonomique et fonctionnelle, du microbiome des espèces aquatiques ouvre des perspectives nouvelles pour la surveillance et la gestion de la biodiversité de nos cours d'eau.

Les changements climatiques : modalités physiques et effets biologiques qui bousculent la pratique de normes en évaluation/Bernard DUMONT, Président de la Maison Régionale de l'Eau, ancien directeur de recherche IRSTEA, membre du CSRPN PACA ainsi que des Conseils Scientifiques des PNR Alpilles, PréAlpes d'Azur et du PN du Mercantour

Avec un exemple de bilans biologiques comparés entre les années 1970 et 2010 sur des peuplements d'invertébrés en torrents alpins (Haute Durance et Haut Verdon), une analyse présente les modalités d'évolutions et une réflexion est déroulée sur les hypothèses des constats au niveau de chacun des bassins versants. L'exemple introduit une discussion sur les processus d'évaluation écologique.

Pour procéder à cette analyse entre ces deux périodes de temps écoulées, les mêmes méthodes d'échantillonnages ont été prises. Au niveau des résultats, on constate une augmentation de la richesse taxonomique globale mais la disparition et/ou diminution des espèces inféodées aux eaux froides apiscicoles, avec propagation vers l'amont d'espèces plus thermophiles. Ce qui pose déjà de nombreuses questions.

Les Hautes Alpes et l'utilisation des invertébrés aquatiques au-delà des indices/Isabelle CHOUQUET, responsable du Service Ressources Naturelles et Risques au Conseil Départemental des Hautes Alpes et Gwenole LE GUELLEC, hydrobiologiste à la Maison Régionale de l'Eau

Le Département des Hautes Alpes, en collaboration avec la Maison Régionale de l'Eau, applique depuis 2016 une méthode semi-qualitative pour étudier les cours d'eau de son territoire. Cette approche vise à fournir une vision plus poussée des peuplements grâce à une détermination à l'espèce des invertébrés les plus significatifs d'un point de vue écologique. Cette méthode, loin d'être en contradiction avec les "suivis qualités" réalisés en parallèle par le Département, apporte une connaissance complémentaire des milieux. Elle permet de rendre compte efficacement des dynamiques hydrologiques et thermiques des cours d'eau Hauts Alpins, et ainsi de posséder des données de références nécessaires pour évaluer les éventuels changements induits par les modifications climatiques et/ou aménagements.

Effectivement, un réseau départemental de suivi de la "qualité" des cours d'eau complémentaire à ceux des services de l'Etat, DCE compatible et accrédité COFRAC a été mis en oeuvre par le Conseil Départemental depuis 2004/2005. Ainsi, 25 stations pérennes sont suivies chaque année. Ce réseau est complété par un réseau "milieux" qualitatif. 15 à 25 stations sont ainsi suivies dans le cadre de ce réseau par an à une fréquence de 3 à 5 ans. Les paramètres étudiés sont plus modestes mais robustes (basés sur les faciès d'écoulement). Ceci est fait pour de nombreux objectifs : caractérisation des spécificités des cours d'eau montagnards, évaluation des actions de restauration écologique, capitalisation de données pour percevoir les changements induits. Le protocole d'échantillonnage consiste à effectuer 10 micro-prélèvements sur des habitats lotiques jusqu'à épuisement de la présence/absence d'invertébrés. Une détermination jusqu'à l'espèce est faite in situ. Le personnel du Conseil Départemental a ainsi été formé par la Maison Régionale de l'Eau, notamment sur la mise en oeuvre du protocole d'échantillonnage standardisé et sur l'identification des invertébrés à l'espèce et il arrive encore parfois que la Maison Régionale de l'Eau les aide sur place directement.